vendredi 30 août 2013

Du soleil dans les orteils (j')écriture éditée

"Du soleil dans les orteils", paru aux éditions La Porte en 2013. Livre de deuil qui n'en est pas un. Un deuil ancien mais qui est aussi une nouvelle naissance. 






Quelques extraits 


elle aurait des fleurs
du soleil dans un bouquet
en pointillés c’est toujours
jamais elle ne se fane



elle effeuille ses fleurs
et parfois le soleil

jusque dans mes orteils







sa place est restée vide
le lit nu de son empreinte

le rideau tiré de sa main

du dernier matin
où elle a regardé
nez contre
la vitre







le jardin planté de fleurs
une jungle de jardin
Josette dort au milieu

je me pique aux orties
en voulant la rejoindre



Merci à Lou Raoul , le recueil fait suite au livre pauvre fait ensemble, merci à Roselyne Sibille et Sabine Huynh pour la relecture !

3,75 euros le petit livre à l'ordre d'Yves Perrine, 215 rue Moïse bodhuin, 02000 Laon


Ils en parlent...

Sabine Huynh dans Terre à ciel
Amandine Marembert, dans la revue Contre-Allées, n°33|34

dimanche 25 août 2013

Dorothée Volut, (j')écriture(s) des autres

Je reçois aujourd'hui la petite anthologie du samedi de Poezibao et lis avec bonheur un extrait du dernier livre A la surface, de Dorothée Volut. Auteur dont j'ai  bien l'intention de suivre le travail. Je partage ici cet extrait choisi pour Poezibao, mais vous dire que je cours commander le livre.

Il y a dans la nature une matière à sauver qui explique que l’homme incessamment, et bien malgré lui, aille à l’arbre. Ce n’est ni une bonne nouvelle, ni une image. La feuille est un tissu : quelle encre y coule ? Ce que transportent nos mains, nos yeux l’ignorent. Cela m’est arrivé quelquefois de marcher pieds nus dans la forêt et c’était bien plus fou que n’importe quelle fête foraine ou grande promotion dans les magasins. Ma tête n’était pas couronnée et personne autour de moi ne sut jamais ce qui s’était passé. Voilà une des formes que peut prendre l’air.
(p. 49)

Dorothée Volut, A la Surface, Eric Pesty éditeur, 2013, 13€

samedi 24 août 2013

Mon abuelo Jesús, (j')écriture en cours !



Mon abuelo Jesús est mon gros chantier d'écriture du moment... Ecrire sur ce grand-père galicien qui a fui le franquisme en s'exilant à Cuba. Lui écrire de l'autre côté de l'océan...

Mon abuelo avec sa famille, mes arrières-grands-parents et grands oncles et tantes.
Il porte des lunettes, une petite moustache.
Ne pas utiliser la photo sans autorisation, svp.


Quelques extraits


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Tu viens de l’abandon
et de la distance

à l’ombre des arbres de ton pays
ton âme reste suspendue

elle revient parfois
où tu es né

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Tu es parti et je te vois avec ta valise les malles faites à la hâte.
Ta main ne quitte pas la valise, mais la main dans la tienne glisse déjà.
Tes lunettes tombent sur ton nez. Qu’as-tu fait de ton chapeau ?
Tu laisses pendre ta veste, la sueur te coule sous les bras.
Tu dégoulines de tout ce soleil,
le ciel te fond sur la peau
ta vue se trouble de rivières.
Tu n’y vois rien de ce pays. 


Tu es encore un peu dans l’autre et tu ne le sais pas.







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Tu as quelque chose des oiseaux
ton chant n’est plus le même

tu apparais parfois dans l’arbre
celui laissé au pays

ou alors tu t’effaces

complètement
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Tu voudrais apercevoir ton pays.
Tu n’en connais plus les détails.
Ta grande maison sans meuble,
faudrait lui repeindre les murs.
Ils ont pris la teinte de ce pays.
Tout s’est arrêté avec toi
à la même époque.
Autour tout a bougé.
Tu remues ton corps
d’un côté et de l’autre
au rythme de la musique.


Comme cela, tu existes longtemps après.








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Recuerdo tus ojos, lo verde que tenían.
Recuerdo la blancura de tu pecho.
Cuando venga la noche quiero acostarme a tu lado.
Sentir tu cuerpo no me dejara dormir.

Perdóname, no puedo volver, nunca.
No puedo volver y lloro.

¿ Como está la niña ? ¿ Creció mucho ?
Dile cuanto la quiero y cuanto te quiero.
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Tu es un oiseau sur une île.
Devant toi les vagues s’écrasent sur les rochers.
Tu regardes au loin, mais tu ne vois rien.
Tout s’est éloigné.

Tu restes les mains vides.









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Les uns partis d’ici pour quel pays

je ne comprends pas la liberté
ce qu’elle avait de rêves

elle aura coupé des ailes
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Tu ne pouvais parler qu’à demi-mots.
Quelle allure ont les mots coupés en deux ?
J’imagine ta langue pliée,
s’avançant à demi dans la bouche.
Et le souffle que tu avais alors.
Il n’y en avait presque pas, un souffle à demi.
Les mots n’avaient plus le même sens.
Chacun disait ce que tu ne pensais pas.
Ou alors ils se déformaient dans ta bouche.
Cela revenait au silence.
Se taire avec une langue bougeant à moitié.
Parfois, les mots se disaient à la hâte.
Des phrases murmurées très vite.
Tu vivais caché dans la langue.


Elle tournait sans faire de bruit.



La vidéo et la bande audio de la nuit remue où on me voit et m'entend le lire, ici
Des extraits sur remue.net, suite à la nuit remue#7, mais dans une première version


Correspondances (j')écriture en cours !

Je suis depuis un petit moment déjà en train d'écrire sur les correspondances d'hier à aujourd'hui. Roselyne Sibille m'en a confié de sa famille, j'en ai récupéré de la mienne et je continue d'ailleurs la collecte pour poursuivre ce travail.


Quelques extraits




Vous bougez,
me donnez envie de vous aimer, vous entourer de mes bras, vous laisser entrer chez moi. Vos lettres me parviennent, comment savoir ce qui respire avec elles. Vous vous égrenez, vous prenez de la place pour n’être ni trop petits ni trop grands. Vous me poussez dedans pour me fleurir au bout des doigts.
Vos odeurs d’herbes et de foin coupés.
Vos douceurs de dentelles.
Vos langues que j’entends passer de vos mémoires à la mienne.
Vous bougez tant que je vous rejoins dans vos couleurs. Je poursuis vos voix avec le bruit du cœur, quelque chose qui bat tout près mais aussi plus loin.
Vous auriez sûrement dit : « c’est tout pour aujourd’hui. »





Tout entre vous et moi que je n’ai osé garder dans mes mains. Je n’y suis pour vous ni personne, ni la neige en été, ni le blé dans les champs. J’y suis dans les mots et encore et vos voix qui s’éveillent m’y retirent. Vous êtes plus que des ombres, je ne m’assois dans un coin et vous regarde dans ce que vous étiez. Et quand vous dites : moi je raccommode tous les jours, tout est déchiré. L’étoffe déchirée par quel craquement de terre. Cela passait les jours à relier les fils les uns aux autres, un tissu étendu jusqu’à nous, la laine que vous aimiez, la lumière de vos maisons. Je m’efforce de ne rien dire, j’ai troué mes chaussettes.







Vos linges suspendus quelque part au jardin où à vos fenêtres. Vous viviez à vous saluer d’un bout à l’autre, vous écrire vos vies qui passaient, vos bonjour, je pense à toi. Je vous entends écrire ces mots que vous ne saviez pas poèmes. Ce n’était parfois rien, pas des rimes, vous disiez en peu de mots. Des lignes à caser dans un rectangle où aller à l’essentiel mais que vous preniez soin d’aligner dans la couleur des jours.






Vos lettres tous les jours et avec du retard. Cela mettait du soleil aux lèvres de qui les recevait. Il n'y était question de presque rien, vos petites choses qu'on a oublié, votre temps qui vous est venu puis vous a renvoyé tout un bleu de jardin un soleil des jours. Vous disiez les bains de mer comme une pluie d'été ou quelque chose de bon pour le cœur puis ailleurs. Et vos yeux qui brillaient vous étiez un peu loin...







Comment pourriez-vous savoir nos écritures d’aujourd’hui. Comment l’encre sèche aussi vite qu’elle n’en prend même pas le temps. Nos doigts font un bruit de galops et rien ne crisse sur la feuille. Comment pouviez-vous imaginer cela depuis vos jours d’avant. Ce n’était pas il y a si longtemps mais qui se souviendra après nous de vos écrits d’antan, la façon dont vous écriviez avec vos retenues ou vos effusions. Qui saura encore écrire en traçant des boucles sur un morceau de papier-lettre. Nous ne savons plus écrire aussi bien. Question d’importance. Où l’application est-elle partie, ces petites attentions que nous ne savons plus. Qui pourra nous réapprendre à écrire.





Le facteur n’est pas passé aujourd’hui. Hier il a déposé facture, électricité et feuille d’impôt. Demain ce seront quelques réclames. Le facteur passe et nous le saluons de loin. Nous n’avons plus ce petit pas pressé à son encontre. Reconnaître en ses mains l’écriture qu’on attendait. Ecriture soignée au centre de l’enveloppe. Le timbre collé avec un bout de langue. Le facteur est passé mais il ne m’a pas apporté une de ces lettres à faire battre le cœur. Je ne l’ai pas attendu, j’ai allumé mon ordinateur.

Renée, en mosaïque, une mère de pierre... (j')écriture en recherche édition !



Renée, c'est une aïeule, et juste des dates d'état civil retrouvées lors de mes fouilles généalogiques. Morte en octobre 1817 à Quimper. Deux mois plus tard, le jour de Noël, son époux, mort aussi. Et leurs enfants, le plus jeune avait 3 ans. Puis Renée, s'est mise à ne plus me quitter...




Quelques extraits




Renée, mon aïeule, devrais-je te dire que je t’aime ou est-ce autre chose. Tu m’attires, m’empêches de dormir. Je te sens, chaque nuit, passer ton souffle sur mon corps, tu restes plus ou moins longtemps, à me regarder, à m’effleurer et tu finis par pleurer. Tes plaintes, tantôt murmures, tantôt minces sanglots s’immiscent entre mes lèvres. Souvent j’entends l’orage, la tempête se déchaîner avec éclairs, tonnerre, pluie battante, torrents, boue et sang. Je t’entends, Renée, et ta douleur. Je vois ton visage se déformer, ta bouche crier et ton cœur jaillir, doucement puis à gros flots. De ta bouche s’écoule la rivière de ton corps, de tes peines, de tes souffrances. D’abord une rivière lente et fluide puis torrentielle, épaisse, nauséabonde, remplie des objets de ta vie quotidienne, de ta maison délabrée, de quignons de pain, des restes de nourriture. Des gens passent, parfois avec un bras levé, d’autres sont déjà morts, flottants comme de gros morceaux de bois, aussi des enfants, des enfants qui pleurent leurs parents, des nourrissons, des cercueils, petits et grands.




Que me dis-tu, je commence à percevoir quelques bribes, ta voix de plus en plus claire monte et s’approche. Je perçois tes syllabes maintenant nettes. Des syllabes qui s’assemblent, sûrement des mots, des phrases que tu formes Ils sont dans ta langue, une langue qui est la tienne mais pas la mienne. De ta langue je ne connais que quelques rudiments élémentaires et bien peu encore. Répète moi ces mots, Renée, ce sont toujours les mêmes que tu prononces. Recommence, Renée, encore et encore jusqu’à ce que je les mémorise tout à fait, que je les écrive à mon réveil dans mon carnet. Je suis certaine qu’ils signifient quelque chose. Et je veux savoir, Renée. Tu ne peux continuer ainsi. Me parler breton. Il te faut aussi apprendre ma langue que nous puissions nous comprendre. Cela me demande un grand effort de déchiffrer tes phrases. Apprends ma langue, Renée, prends-y ce qu’il te faut pour me raconter ton histoire. N’oublie pas ton souffle, je peux t’écouter longtemps mais respire. Je sais que tu ne connaissais pas que le breton, Renée, mais aussi quelques mots de français, les aurais-tu oubliés ?







Parfois, je suis ensemble, avec toi dans la basse-cour. Nous donnons à manger aux poules, nous les regardons se battre pour une épluchure, un quignon de pain. Les écouter caqueter comme pour réclamer encore. Je tiens les poussins dans nos mains avec toi, petites boules jaunes au cœur palpitant. Ensemble nous nous mettons à respirer au même rythme, nous rejoindre, nous sentir plus proche l’une de l’autre. Une nuit, le renard est venu près de la basse-cour. Ton père l’a entendu. Il est sorti le tuer. Le matin, quand tu t’es levée, tu as vu la fourrure du renard sur la grande table. Tu t’es mise à courir au dehors et tu l’as vu dénudé, gisant près d’un trou que ton père venait de creuser. Tu l’as aidé à recouvrir le renard puis tu as semé des fleurs au dessus. Les fleurs ont poussé puis plus personne ne s’est souvenu qu’ici reposait un renard qui s’était fait surprendre une nuit d’été à rôder trop près des poules. Tout le monde a oublié. Sauf toi, Renée. Ce renard, je l’ai enterré moi aussi, quelque part au pied d’un mur chez ma grand-mère maternelle. On l’a découvert un matin dénudé. Personne n’a retrouvé sa fourrure ni su qui l’avait tué. Avec mon père, on l’a enterré et j’ai cueilli des fleurs, pâquerettes et pissenlits, que j’ai déposés sur sa petite tombe. Trente ans après, je me souviens de l’endroit précis où il repose. Les fleurs sont fanées.




Tu sais, ma fille, j’en ai vu des couleurs, mais ce n’étaient pas les tiennes. On ne cherchait pas à en avoir plus, nous étions heureux ainsi. On n’avait pas grand-chose, mais c’était comme cela. On perdait nos enfants et c’était comme cela. Ça n’a l’air de rien comme ça. Vous nous pensez forts, sans tristesse, sans aucune émotion, comme des blocs de pierre. Mais on perdait nos enfants et moi ça m’a rendue folle. Ça m’a rendue folle. Tu peux bien me dire, ma fille, que non je n’étais pas folle. C’est pourtant bien cela qui m’a conduite là, entre ces murs de pierre. Je n’ai même pas été capable de sauver ma petite fille et plus tard entre ces murs de pierre, je n’ai pas pu m’occuper de mon petit garçon, Yves. On me l’a retiré. J’en suis tombée plus au fond encore. Si j’avais encore une raison de m’en sortir c’était pour mes enfants, ceux qui m’attendaient à la maison. Mais mes geôliers étaient si cruels qu’ils m’ont fait perdre cet espoir de quitter un jour ce trou. Je n’ai même pas su prendre soin de moi.

des extraits sont parus sur Remue.net et sur Incertain Regard 

vendredi 16 août 2013

Autres parutions


En revue : Contre-Allées (n°19.20, 23.24 et 31.32), N4728 (n°10, 12, 14 et 21), Décharge (140, 150 et 159), In-Fusion (n°1), Mots à maux, Microbe, Gare Maritime (2009), Osiris 76 (2013), etc.
Anthologies, ouvrages collectifs :  Momento Nudo (l'Arbre à paroles, 2013), Métissage (l'Arbre à paroles, 2012), Creuser les voix (Samizdat, 2012) La fête de la vie 5 (En forêt/Em verlag), Avec tes yeux (En forêt/Em verlag)

Invitée au festival de Rochefort sur Loire en 2013, aux polyphonies de Rennes en 2013,au passage Ste Croix à Nantes en 2013, à Romainmôtier (Suisse) en 2011 (suivi d'une lecture à Genève en 2012), à la petite librairie des champs à Boulbon en 2012, aux rencontres de l'université permanente de Nantes en 2012, au festival midi-minuit poésie en 2008, au festival Poètes au potager à Montluçon en 2007...

Livres pauvres...

Avec Lou Raoul




Avec Armand Dupuy





Avec Ghislaine Lejard






S'il existe des fleurs

S'il existe des fleurs est à paraître en juin 2014 aux éditions de L'Arbre à paroles.


Extraits

les animaux courent devant
pour ne pas être tués
aussi des hommes
courent autant
haletant autant
ils restent chauds
après leur dernier souffle




l’herbe pousse
ils s’enfoncent de plus en plus
s’effacent et se foncent dans leur fosse
nul ne se souvient de l’odeur des femmes


s’il existe des fleurs
qui se donnent au jour
crient sous le poids des soldats
devrions nous mourir le soir
ou bien fleurir des tombes



Des extraits sont parus dans la revue Osiris 76 en 2013.

Vous êtes mes aïeux

Vous êtes mes aïeux, à paraître en septembre 2013 aux éditions Henry



Extraits



vous étiez sûrement à rendre souffle
sur le bord d’un lit

vous appeliez vos vieux
vos très vieux dont on ne retrouve plus les noms

comment vous pleurer
quand vous me traversez





trois jours allongés dans la grande pièce
des fleurs autour et vos pieds vers les champs

vous étiez beaux dans la blancheur

de vos morts répétitives
est-ce moi qui morte
viens et reviens à vous

combien de fois déjà


et d'autres extraits

sur Sitaudis
sur Terre à ciel
dans l'anthologie Momento nudo, ouvrage collectif paru aux éditions de l'arbre à paroles en 2013

Christophe Jubien en lit des passages sur le site de la radio Grand Ciel, émission La route Inconnue, émission du 2 septembre 2014.

Ils en parlent...
Claude Vercey dans l'I.D 474 sur le site de Décharge
Christine Bloyet sur Terre à ciel
par Gérard Cartier sur Terres de femmes
par Valérie Canat de Chizy sur Verre menthe
par Chantal Dupuy Dunier sur Texture
par Yohan sur Biblioblog

Eric Pessan pour la revue Encres de Loire, décembre 2013

Cécile Guivarch Vous êtes mes aïeux Editions Henry 104 p. 6 € ISBN : 978-2-36469-052-3
cette nuit vous êtes venus me voir / je dormais j’ai fait semblant de rien / vous m’avez soufflé vos malheurs / j’ai tendu l’oreille je n’ai rien compris Les quatre premiers vers donnent la teinte du long poème de Cécile Guivarch : il s’agit d’explorer les traces de ceux qui nous ont offert la chance d’être présent au monde, même si on a quitté leurs terres, mêmes s’ils parlaient une langue ancienne que l’on n’est plus tout à fait capable de comprendre. On les reconnaît dans les pierres, dans le sol sous nos pieds, dans les odeurs et la cuisine. Ils sont des poussières qui pèsent un poids infini, des fantômes familiers et invisibles qui épient nos gestes modernes et pressés, ils viennent d’un temps où la vie était bien plus fragile qu’aujourd’hui (et que dire alors des chagrins ? S’habituait-on aux femmes mortes en couches ?). Vous êtes mes aïeux touche par sa justesse d’écriture et de ton, par sa sobriété ramassée. Peu importe que l’auteur raconte son histoire parce que cette histoire est la notre, celle d’humains conscients d’être maillon d’une chaîne plus ou moins floue. Ce qui tient en ces pages, c’est notre mémoire et notre trouble d’en savoir si peu sur nos aïeux. Rien – en définitive – ne nous surprend, parce que Cécile Guivarch ose poser son travail littéraire au sein des évidences pour nous offrir l’équivalent de l’un de ces crânes de bruns et d’ombres que les peintres déposaient à l’angle d’une table : une belle leçon de vanité.

Un petit peu d'herbes et des bruits d'amour

Un petit peu d'herbes et des bruits d'amour est paru en 2013 aux éditions L'Arbre à paroles.
Livre sur fond de guerre civile, franquisme, exil, abandon et pardon.


Ces poèmes ont été écrits après qu’elle ait acquis la nationalité espagnole, suite à la « ley de la memoria » (loi de la mémoire), qui a permis à tous les descendants d’exilés espagnols de récupérer cette nationalité. Entre l’Espagne (en particulier la Galicie), Cuba, l’Argentine, la Bretagne (d’où vient son nom) et la Normandie (où elle est née), elle se sent déracinée. Dans ces textes, sur fond de guerre civile, de pauvreté, et d’exil, elle fouille la vie de ses ancêtres, tente de comprendre ce qui a motivé leurs choix et peut ainsi pardonner tous les abandons (l’abandon forcé par l’exil, mais d’abord l’abandon d’une enfant par son père fuyant le franquisme vers Cuba, et puis tous les autres abandons dans l’Espagne devenue « là-bas »). Elle cherche des bribes du vécu dans les récits de ses ascendants, les photos en noir et blanc, les lettres de famille aux écritures anciennes. Dans un rythme très contemporain, avec des mots sensibles et drus, elle découvre le mystère des vies simples disparues et mêle la vérité de ses ressentis avec les cheminements qu’ont pu avoir ses ancêtres. Avec une syntaxe bousculée, cahotant entre les détails du quotidien de l’époque et des images tendres ou rudes, avec des expressions en espagnol quand il est nécessaire que la voix roule dans sa musique d’origine, elle ne garde que l’évocation, l’essentiel. Nous rejoignant profondément par les archétypes, sa poésie est poignante de ces nouages.

Extraits



son cœur qui oscille
entre droite et gauche
que tellement ça bouge
(son sourire ses yeux à laisser le cœur chavirer)

bonheur dans un champ
ou dans un tas de paille

son poème elle s’en souvient longtemps
les mots reviennent toujours
ils se réduisent à pas grand-chose
un petit peu d’herbe et des bruits d’amour






elle met des champs dans son bouquet
ferme la fenêtre que les mots ne s’envolent

elle murmure les personnes disparues à la lune
ce qu’elles avaient d’eau dans les yeux





n’est pas revenu de guerre
jeune à jamais
cheveux lissés noirs et blancs
on dit de sa mère
qu’elle a un trou dans la poitrine


Ils en parlent



Hervé Martin sur Ici & là ou Incertain Regard
Philippe Leuckx, revue Texture
Sanda Voïca dans la revue Paysages Ecrits d'Octobre 2013 :
https://sites.google.com/site/revuepaysagesecrits/
Claude Vercey sur le site de Décharge
Bruno Normand dans Terre à Ciel
Amandine Marembert, dans la revue Contre-Allées, n°33|34

Matthieu Gosztola sur La cause littéraire
Jacmo dans Décharge (la revue papier)



Ghislaine Lejard sur son blog


Une histoire humaine de terre et d’amour, de peines et de joies. Une histoire de famille, de trahison et d’abandon. Au bout du chemin, comme au début, une petite fille pour la résilience et le pardon ; avec les mots de la poésie pour livrer ce qui a été trop longtemps gardé dans le cœur, des images de guerre, mais aussi d’oiseaux… pour aller plus loin, au-delà de la peine, sans jamais oublier le pays, aux paysages d’herbe qu’on ne sent plus, mais, un pays d’où viennent encore bien « des bruits d’amour ». Cécile Guivarch rend un magnifique hommage à ces ancêtres dont « l’histoire ne s’efface pas », une histoire à revivre par elle qui « se lève à l’autre bout d’elle-même… » pour commencer « son livre par la fin ». G.L

mercredi 14 août 2013

La petite qu'ils disaient

La petite qu'ils disaient est paru en 2011 aux éditions Contre-Allées, collection Lampes de poche. 
Livre souvenir, mes parents avaient un logement de fonction dans un hospice et travaillaient à la maison de retraite. Petite, c'était mon environnement.



Extraits


idiots charlots des manque une case fous laissés pour compte
cinglés barjos tapés sonnés piqués timbrés toc-toc maboul dingo
s’ajoutent :
démence aliénation malades mentaux égarement
siphonnés déraisonnés incapables détraqués
assommés complètement cachetons décharges camisoles machins trucs
les abrutir encore
fêlés éperdus transportés étourdis marteaux sans raison déboussolés
mais ça oui ils le sont
sans famille sans rien ni personne ni visite ni noël ni même
une pièce une lettre un coup de fil une poignée de main un bonbon un baiser
fous sont fous idiots du village mon village et même un peu plus
mon cœur mes yeux premiers gestes gazouillis pas sourires mots fous




ma sœur coiffe la grand-mère
la vieille ne bouge plus
un nourrisson la caresse de sa mère
elle avait oublié
la brosse passe dans les cheveux part du haut descend dans le dos la brosse passe lentement lisse les fils blancs
la grand-mère ne parle pas occupée à frémir sous la soie de la brosse
ce serait un peu de douceur

Ils en parlent 

Matthieu Gosztola sur Terre à Ciel
Michel Ostertag sur Francopolis

Le cri des mères

Le cri des mères est paru en 2012 aux éditions La Porte
A la naissance de ma fille, Zélie, son arrière-grand-mère m'a dit : "mais c'était le prénom de l'arrière-grand-mère de mon arrière-grand-mère", ainsi est né cet écrit.



Extraits


elle va mettre au monde sur un lit de paille
elle hurle crie appelle ses vieux les très vieux
(on ne sait même plus leur nom)
elle les appelle tous pour leur dire qu’elle va mettre au monde
elle crie sa douleur son sang qui la fracasse lui sort par le bas
elle s’accroupit attrape le corps qui s’échappe de sa chair
elle l’attrape le met sur sa poitrine pour en sentir l’odeur
écoute le premier cri
pleure sa douleur
dans un tas de paille



elle a crié aussi la mère de Zélie la deuxième
Zélie l’arrière-arrière-petite-fille de l’arrière-grand-mère
elle a crié pour la sortir du corps
elle a crié comme jamais elle a crié
ça lui a donné le souffle
ça a aidé l’enfant dans le passage
ça a guidé l’enfant à quitter le corps
à rencontrer la lumière
à naitre sur le corps de sa mère
touchée par son premier cri

Ils en parlent

Coups portés

Coups portés est paru chez Publie.net en 2009. Réédité en 2012.

Portrait de famille avec ruralité et patois de campagne.






Extraits



ils me racontent leurs histoires je suis toute pourrie gâtée
si ça leur fait du bien c’est pas la mer à boire ni le calva
enfermé à double tour faut pas y toucher sait-on jamais s’il
y aura demain faut entasser du merdier des amas de souvenirs
ces petits fagots allumés pour propager chaleur et brûler là
toutes ces bricoles qui ne font rien nous revenir de là-haut




fait pipi partout ne sait plus trop où coin seau ou terreau
se trifouille tord sa robe les déchirures en manger un bout
boit l’apéro s’en rend pas trop compte n’a jamais bu de vin
la fugue fuite vers où aller le chemin de fer va tout train
s’griffe les mains baies d’airelles un peu d’eau la rivière
nulle part où aller si ce n’est demi-tour car par où passer
surgit fatiguée un bout du monde se faire fœtus et attendre

Ils en parlent


  • Des noms et des histoires rassemblés en blocs de langue, légèrement râpeuse comme un patois de campagne, avec animaux, mots gros et collection de détails constituant peu à peu mosaïque criante de vérité de cet ici (au hasard : "café calva canard, et lunettes rafistolées bouts de gros scotch"…), qui resurgissent là, dans cette écriture de la langue parlée. Une croisière pas de tout repos dans les zones accidentées des liens familiaux, "où sang veines familiales renversent coulent de mains en mains où ne pas étouffer ni taire", "un siècle ou deux de générations" et la guerre, et puis au moment du deuil : nœuds affectifs, cristallisation lors des héritages, émergence des enjeux toujours exagérés ("bout de terre ne vaut pas grand kopek inculte juste un petit bout de lande"), "des vertes et pas mûres" pour se partager "la part de la galette", le magot, qui dort là, c’est sûr… de ce qui se joue au fond des cuisines de nos campagnes, lieu de la discussion, du café, sur la nappe à carreaux que l’on imagine là. Bref, une langue avec ce goût de poésie brute, cet écho des sagesses et bêtises paysannes, une langue forte et belle, et pas seulement pour qui sait et a vu ces scènes-là… de ces langues-là de campagne, mais repassées ici au contemporain. (Fred Griot)
  • texte rauque et fort, tout chargé de mémoire, poésie tout près du corps. (François Bon)
  • Sur Babelio

Planche en bois

Planche en bois a été publié en 2007 par Contre-Allées à l'occasion du festival Poètes au Potager à Montluçon. Recueil à la mémoire des grands-parents. (épuisé)


Extraits



Ton portrait grand-mère. Tu étais bien jeune et je ne sais dire combien de fois plus belle. Jusqu’où vas-tu aller à ne pas te laisser te reconnaître ? Il a du se passer deux ou trois siècles. Ton visage changé à ce point.




Le silence de ta mémoire les détails de toi petite. Bouche ouverte tu aurais rêvé à ce point de ton immobilité. Tu ne cesses pas grand-mère d’oublier que mes doigts s’agitent devant toi. J’ai crié crié pour que tu reviennes encore juste encore à la frontière de ta respiration. Dans le vide d’avant ton absence tu luttes pour rouler vers ton enfance. Les vieux chemins, les amis disparus, ton cartable oublié sur un banc d’école. Tu répètes ta réalité lointaine sans même plus savoir compter. Le début et la fin se confondent au point rupture. Grand-mère morte de ta naissance.

Ils en parlent 


mardi 13 août 2013

Te visite le monde

Te visite le monde, livre de la maternité et des premiers langages...
Paru aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune en 2009


Extraits



faudrait que tu cesses dans ta bouche
fourrer les mains car tu n’avaleras pas
le monde le goûtant comme pas deux






finalement aucune interdiction
tes yeux billes pour tout boire
pas assez trop le monde est grand


Ils en parlent



Terre à ciels

Terre à ciels est mon premier recueil publié en 2006 par Jean-Louis Massot aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune.





Si c’est bien un fleuve qui baigne les pages de Terre à ciels, cet ensemble d’une vingtaine de poèmes fait aussi référence aux éléments de la nature comme les feuilles, les arbres, l’herbe ou le vent. Entre le ciel, ses couleurs qui ouvrent des horizons d’écritures au poète, et la terre – celle qui borde le fleuve – demeurent les hommes. Ils ne sont pour Cécile Guivarch qu’un grain de sable parmi tous les éléments immémoriaux que la nature recèle.
Pour ce premier livret que nous donne l’auteur nous découvrons une écriture de l’ellipse et de l’effacement. Une écriture sensible où le poète observe et interroge les paysages du fleuve en tentant d’y déceler des lieux possibles à sa propre présence. Mais dans ces paysages, ces tableaux, ces instantanés saisis, le poète marque parfois, par certains vers, comme une impossibilité à s’y inscrire : - j’y renonce presque - ; toi / tu cherche l’ombre ; - tu vis à distance - ; le ciel étouffe / tout s’efface ; tu existe au bord / sur le côté / en deçà / jamais parmi.
Trop près du désir parfois, la voix renonce. Mais ce n’est que pour mieux revenir à cette couleur du fleuve, à son tumulte interminable, à cette union des matières, l’air du ciel, la terre et l’eau qui fondent toutes vies.

(Hervé Martin)


Extraits 


En fin de compte
ce sont les feuilles qui parlent le plus aux arbres
entre eux
nous ne sommes qu’un grain de sable
et ce n’est peut-être pas plus mal





Le mouvement dans les branches
est fait de silences
seules les feuilles se font entendre
toi
tu cherches l’ombre




Ils en parlent

lundi 12 août 2013

(J')écriture(s) et quoi encore

(J')écriture(s) comme un labo.

J'ai créé le site Terre à Ciel en 2005 puis ouvert à un travail d'équipe quelques années plus tard. (Le site a été relooké par Jean-Marc Undriener)

Terre à ciel c'est présenter la poésie contemporaine mais pas forcément la mienne.

(J')écriture(s) ce sera mon blog avec un aperçu de mes écritures, avec des trucs en cours, mais pas seulement. Ce sera aussi aussi la présentation de mes coups de coeur, quelques extraits recopiés de mes lectures. Et puis une sorte de labo, avec des collaborations entre auteurs.

J'en mets déjà sur facebook mais le fil d'actualité avale tout

(J')écriture(s) avec les écritures d'auteurs que j'inviterai régulièrement, ici, dans mon espace perso.

Cécile Guivarch