Renée, en elle est paru en février 2015 aux
éditions Henry
Renée, mon aïeule. Devrais-je lui dire que je l'aime ou est-ce autre chose? Elle m'attire, m'empêche de dormir. Je la sens, chaque nuit, passer son souffle sur mon corps. Elle reste, plus ou moins longtemps, à me regarder, à m'effleurer, puis elle finit par pleurer. Ses plaintes, tantôt murmures, tantôt minces sanglots, s'immiscent entre mes lèvres. Souvent, j'entends l'orage, la tempête se déchaîner avec éclairs, tonnerre, pluie battante, torrents,boue et sang.
Un entretien avec Christophe Jubien, suivi de quelques extraits sur la radio
Grand Ciel
Ils en parlent...
Michel Baglin dans la revue
Texture
Angèle Paoli sur
Terres de femmes
Marie-Josée Desvignes sur
le site Recours au poème
Philippe Maltaverne sur le blog
Chronique ta malle
Lionel Clément sur
le site L'ivre de lire
Sabine Huynh dans
Lus un jour, aimés pour toujours, Terre à Ciel
Valérie Canat de Chizy dans
Lus et approuvés, Terre à Ciel
Sabine Faumeyer sur son
blog
Hervé Martin sur
Incertain Regard
Isabelle Bonat-Luciani sur son
blog
Sanda Voïca dans
Paysages Ecrits
Aoulia dans
Le Carnet d'Aoulia
Marilyne Bertoncini,
Recours au poème
Philippe Leuckx pour la revue Phoenix de mars 2015
Cécile Guivarch, revuiste (le beau site TERRE A CIEL) et poète (un beau livret à l’Arbre à paroles, « Un petit peu d’herbes et des bruits d’amour »), consigne ici, dans ce récit vraiment poignant une recherche et une ferveur. Dans sa volonté d’étreindre ses racines familiales et féminines, l’auteur a entrepris une quête généalogique pour retrouver cette aïeule bretonne, qui a vécu dans les années 1816, et dont elle restitue proprement voix, usages, vie. Qui était « la mère du père de l’arrière-grand-père de mon père », détaille-t-elle, page 44.
D’avoir renoué ainsi avec ses origines lui donne de véritables ailes romanesques pour conter l’irracontable d’une condition : l’ancêtre lui est proche comme une présence dans une chambre et elle lui parle. L’apostrophe « Renée » prend en elle ampleur et nécessité, écriture et densité ; elle rédige dès lors un triple récit qui juxtapose l’histoire, le témoignage en « je » de l’ancêtre et les réflexions en « je » de la bénéficiaire, en bout de ligne, d’une mémoire. Ce point de vue démultiplié nuance encore plus le parcours atypique d’une voix dont plus personne ne parlerait. Il y a ainsi, chez Guivarch, une volonté de s’ancrer dans une « tradition » littéraire des voix perdues et qu’il faut, coûte que coûte, sauver de l’oubli : il y a là de la Sylvestre (« Voix de mes aïeules », de l’Ernaux (« L’autre fille »), de l’Assia Djebar (« Ces voix (féminines, j’ajoute) qui m’assiègent »). On pourrait avoir plus médiocres « liaisons » littéraires.
La vie de Renée ressemble à un grand cimetière, d’enfants qui n’ont pas passé le bas âge, de morts qui rôdent. Et pourtant, elle en a conservé des vivants. Son univers ? « Son enfance a été entourée de champs ». « Sa maison…comprenait une unique pièce d’habitation ».
Le portrait parcellaire, s’enrichit et l’écrivain d’aujourd’hui, en dépit de ses recherches, consigne : « Ce qu’il y a avec Renée, c’est qu’elle me vient toute en morceaux, tessons de mosaïques », tout en précisant qu’elle « s’évertue à redonner à Renée, de vraies couleurs ».
Couleurs de l’émoi, du sentiment filial profond et contenu : quelle sobriété, quelle économie de moyens pour dire cet effarant amour pour l’anonyme figure chérie ! La jeune femme de 2015 rameute les pauvres faits et gestes d’alors : la misère, le froid, les fêtes menues, les codes…
Le texte, complexe toutefois par sa richesse, par l’emploi de diverses voix qui le trament, rend vive la reconnaissance d’un passé qui semble lointain, et très proche par le c(h)oeur des choses qui se nouent, s’énoncent : il y a le « je » de l’énonciation fictive et poétique (« Parfois, quand je regarde par la fenêtre, quelque chose se passe. Je ne saurai le définir ») ; il y a la voix d’outre-tombe (« Je suis morte contre un mur de pierre …j’ai crié pour leur demander pardon ») ; il y a l’histoire qui s’impose, quasi factuelle, quasi ignorante (« Tout le monde a fait comme si Renée n’avait jamais existé »). On sort de cette lecture d’un livre qu’on voudrait garder comme « notre livre de chevet des enfances enfouies » (petit vers qui me vient comme ça), tant il nous noue la gorge, nous la serre jusqu’à devoir affronter les sans-voix d’hier que l’on brisait, à coups de violence et d’ingratitude sociales. Les « pauvres gens » dont parlait Ferré, oubliées de l’histoire, des familles, qu’une voix poétique d’aujourd’hui ressuscite avec grâce et émotion.
Un miracle de petit livre.
Inoubliable.
Jacmo, in Décharge, n°166
Christian Degoutte in la revue Verso
à « Ce qu’il y a avec Renée, c’est qu’elle me
vient toute en morceaux…Je les assemble et tente de les harmoniser. Je
m’évertue à redonner à Renée de
vraies couleurs» in RENEE, EN ELLE. Cécile Guivarch, dans ce nouveau livre,
comme elle l’a fait pour ses parents d’Espagne, poursuit l’autobiographie de
son passé (si je peux dire) pour connaître l’authenticité de son être présent.
C’est vraiment une des originalités de Cécile Guivarch que de mêler, dans son
récit, l’enquête, quasi policière, qu’elle mène sur les traces de son ancêtre, la
vie reconstituée de cette ancêtre et la sienne. D’exprimer dans sa vie d’aujourd’hui
les souffrances, les espérances de cette femme qui, parmi d’autres, a fait son
sang « Renée, cette nuit je l’ai
prise dans mes bras, elle sanglotait comme un petit enfant, blottie contre moi.
J’ai essuyé ses larmes… ». Renée est une de ses branches bretonnes
« je ne comprends pas sa
langue ». Renée est morte à Quimper en 1817. « Renée est née parmi les morts. » à
une époque où tant d’enfants meurent si près de leur naissance. « Certaines de ses filles, certains de ses
garçons sont morts en grandissant, emportés par la maladie, le froid, la faim
ou un accident malencontreux. J’entends parfois dans mes rêves l’un d’eux crier
au fond d’un puits, presque un adolescent, peut-être le premier Jean, remplacé
par un second du même prénom. Puis ce sont poursuivies les naissances jusqu’à
ce que l’on m’enfante, moi aussi ». Un livre passionnant, par son côté
enquête (voyez comme je suis habile, je ne vous en ai rien dit du
« romanesque » de la vie de Renée). Un livre poignant par la précision
de la vie reconstituée de Renée, les aspects terribles de la condition fémmine.
Un livre émouvant par la netteté des sentiments, des troubles exprimés par
Cécile Guivarch.
RENEE, EN ELLE
(60 p, 10 € - éd Henry Parc d’Activités de Campigneulles 62180
Montreuil-sur-Mer www.editionshenry.com
)
Estelle Fenzy in la revue Europe;